"L'internet mobile, le social shopping et la 3 D immersive vont bouleverser le e-commerce"

Utiliser le web pour vendre
Interview exclusive

Social shopping, 3 D immersive, social gaming, brand content, users generated content (UGC)... Ces notions ne vous sont pas familères ? Profitez des vacances pour vous mettre à la page des dernières avancées en matière de customer marketing (marketing client). Entretien avec Yan Claeyssen, excellent specialiste et très bon pédagogue.



Yan Claeyssen préside ETO, un groupe de marketing relationnel né à Roubaix il y a une vingtaine d'années. Il travaille pour des entreprises comme Orange, Henkel, Total, ING et la grande distribution. 
Pour L'Entreprise, ce spécialiste du marketing client passe en revue les dernières avancées en matière de customer marketing... Plus qu'une interview, un véritable petit cours de vacances pour les néophytes ou ceux qui auraient des lacunes en marketing client !
Quelles tendances voyez-vous se profiler à la rentrée en matière de e-commerce ?
Il faudra surveiller le lancement que prépare Immochan, filiale d'immobilier commercial d'Auchan. Elle développe Aushopping, un centre commercial en 3D où l'on pourra faire ses achats avec son avatar, en compagnie de ses amis. Cela va être LE gros lancement à l'automne 2011.
Dans les 2 ans à venir, tout ce qui a trait au social shopping - faire participer ses amis dans l'acte d'achat - va se développer énormément, tout comme ce qui a trait à la 3D immersive. Second Life c'était un peu compliqué : c'était en anglais, l'interface n'était pas très conviviale... Aujourd'hui encore, on achète en ligne via des sites où l'on ne se sent pas très en sécurité et où l'on n'a pas encore ses habitudes.  A partir du moment où l'on aura accès au e-commerce sur sa télé, avec sa console de jeux, au travers d'interfaces très conviviales avec la manette de la Wii, tout va changer. Les usages du e-commerce vont se démocratiser.

Et le mobile commerce, le fameux m-commerce ?
Il va continuer son ascension. Aujourd'hui, 30 % de ceux qui ont un mobile ont un smartphone, un Iphone ou un Androïd. On a internet dans sa poche, 7 jours sur 7. Et cela devrait continuer. D'ici 2 ans, 70-80 % de la population sera équipée d'un smartphone. Cela paraît anodin mais c'est énorme ! On peut s'informer partout. 
Grâce à la géolocalisation, on a la possibilité de comparer les prixdirectement dans le magasin via des applications comme celle qu'a lancé récemment E.Leclerc. Le commerce va évoluer énormément quand on aura tous cette capacité de scanner un code barre et de savoir si le produit est bien ou pas, on aura accès, en magasin, à des avis de consommateurs et à des comparateurs de prix. Je suis chez Boulanger, je pourrai savoir si cet aspirateur est bien et si je peux pas l'avoir moins cher au Darty d'à côté...
Les entreprises françaises n'ont-elles pas pris du retard en matière de e-commerce, et plus singulièrement d'internet mobile ? Quid des PME notamment ?
Il y a en France un tissus d'entrepreneurs qui ont compris l'intérêt d'internet et vont investir. Ce n'est pas une question d'âge ou de lieu. J'ai récemment donné une conférence au CJD de Saint-Brieuc et y ai rencontré un concessionnaire multimarques automobile qui a développé tout un réseau d'achats de voitures d'occasion en ligne. C'est un carton : il a dépassé Leboncoin en Bretagne. Il a 55 ans et il connait très bien toutes les techniques pour générer du trafic sur son site, fidéliser les utilisateurs.... Certaines personnes n'ont pas peur face à la technologie, d'autres sont plus réticents. En France on a le potentiel et en plus on est très connectés. En matière de haut débit ou d'usage des smartphones, on est même plutôt en avance en Europe.
Quelles vont être les conséquences pour les commerçants ?
Le fait d'utiliser son smartphone dans la rue et dans le magasin va introduire de vrais changements. C'est lié à la géolocalisation mais pas seulement. Je pense à des programmes de fidélité qui récompensent non seulement l'acte d'achat mais le simple fait d'être présent dans le magasin. C'est l'exemple de Shopkick aux Etats-Unis, une application développée par 6 enseignes, dont Macys, qui permet de récompenser le client dans le magasin en fonction du rayon où il se trouve.
Avec Flunch, qui avait une image un peu ringarde auprès des jeunes, on a essayé de toucher des populations plus jeunes en montant une opération avec Foursquare : dès qu'on se géolocalise dans un restaurant Flunch, qu'on se " tagge ", au premier check on a le café gratuit, au second on a - 20 % sur les plats et si on arrive à devenir maire d'un restaurant Flunch on a tous les plats à 5 euros durant la période où on reste maire.

Quel retour d'expérience avez-vous sur cette opération ?
C'est un succès ! Un restaurant sur 2 a un maire ! L'opération a rajeuni l'image de la marque et même en interne çà a été très bénéfique. Toutes les caissières ont été formées et informées. Ce type d'opérations est très utilisé aux Etats-Unis par les chaînes de restauration mais en France c'était inédit. Aujourd'hui des Quick ou McDo utilisent le même procédé.

Cet exemple illustre bien la " ludification " de la société ? Les jeux de nouvelle génération comme le " social gaming " vont-ils également se développer ?
Oui. L'idée, c'est de retrouver l'univers du jeu dans la vie de tous les jours. En France c'est vraiment le démarrage mais aux Etats-Unis, le jeuFarmvillecartonne. De plus en plus d'enseignes nouent des partenariats pour générer du trafic dans les boutiques physiques. Seven Eleven par exemple : quand on achète certains produits comme des yaourts, on gagne une vache sur Farmville. Cela devrait se développer en France. Il y a un besoin de jouer un peu avec la réalité pour dépasser les contraintes de la vie de tous les jours.
Le jeu a beaucoup d'avenir dans le marketing. Tout le monde joue. Et pas seulement chez les 15-20 ans. La Wii ou la Nintendo DS sont achetées par des gens de 40-50 ans, même s'ils n'achètent pas les mêmes logiciels que leurs cadets. Le jeu dans le marketing va de plus en plus devenir une évidence. On aura des marques dans les jeux.
Et on aura des pubs qui seront des jeux ! Observez l'opérationClubPerrier de Perrier, connectée avec Facebook? On évolue dans un club genre discothèque avec des filles plus ou moins dénudées. Plus on y reste et plus on fait savoir à nos amis via Facebook qu'on y va, plus on a accès à certaines pièces où les filles se dénudent davantage... C'est une illustration de ces publicités évolutives de plus en plus ludiques, coquines et interactives, où l'aspect " social ", le fait de " faire savoir " prend de d'importance.

Face à l'explosion du web, les marques semblent un peu déboussolées en ce moment ?
En effet... Notre crédo est demettre le client au centre de la démarche. Nous conseillons aux marques de moins penser au produit, et davantage au client. C'est une révolution culturelle. Cela signifie : mieux le connaitre individuellement, être en contact avec lui directement sans passer par les médias de masse ni la grande distribution. D'où la multiplication des sites internet qui cherchent à mettre en contact directement les consommateurs et les marques.

Certains marques ont-elles une longueur d'avance ?
Bien sûr. De plus en plus de marques créent aujourd'hui leurs propres médias pour être en contact avec leurs clients et leurs consommateurs. Ils créent du contenu (brand content) pour attirer régulièrement leur cible. Cela peut se faire avec des gros budgets mais aussi des budgets moyens. Ripcurl, la marque de vêtements pour fans de surf, a par exemple créé un wiki autour du surf, WikiRiders qui permet à tous les surfeurs du monde de dire " Je fais du surf là, c'est un spot génial. La vague est entre telle et telle heure ". Un wiki dont tout le contenu provient des consommateurs, c'est ce qu'on appelle de l'UGC, du contenu généré par les utilisateurs (Users Generated Content en VO). Ils ont juste mis le dispositif en place et c'est devenu aujourd'hui LA Bible de tous les surfeurs dans le monde. Cela ne leur a couté que 20.000 euros environ.
Le marketing client consiste à créer un lien direct avec le client et à personnaliser la relation. On communique avec eux directement via les réseaux sociaux, par e-mail, via une application mobile ou même par courrier. On est dans une relation one-to-one, one-to-few. Au niveau des enseignes, ce que fait Tesco (une chaîne d'hypermarchés au Royaume-Uni) est plutôt exemplaire en la matière. Ils ont créé leur carte de fidélité il y a 20 ans. En France , on peut citer Leroy-Merlin. La relation client est dans l'ADN de la marque : le client est au centre et à tous les niveaux du marketing. Toute l'entreprise fait "une vision" tous les 3 ou 5 ans où l'ensemble des collaborateurs réfléchit aux moyens de mettre le client au centre de la démarche. Tous les ans, les cadres doivent aller " visiter " un client : voir ce qu'il a acheté chez Leroy-Merlin ou ses concurrents, ce qu'il a fait comme travaux chez lui, etc. Ils ont créé un dispositif baptisé " La Voix du client ". Vous avez un problème avec un produit, vous appelez la hotline, vous envoyez un mail sur le site internet : le chef de rayon du magasin où vous avez acheté le produit vous rappelle pour trouver une solution.

On assiste aujourd'hui à la revanche du consommateur ?
Les consommateurs ont un pouvoir énorme. Les marques vont devoir dialoguer davantage avec eux. Regardez ce qui est arrivé à Nestlé avec sa barre chocolatée KitKat qui contenait de l'huile de palme. Greenpeace avait mené une campagne sur les barres qui utilisent de l'huile de palme et saccagent les forêts. Des consommateurs sont allés sur la Fanpage de Nestlé sur Facebook et ont critiqué la marque. Nestlé a mal réagi , prenant de haut ces critiques et menaçant de fermer sa page... Alors qu'aujourd'hui il faut parler d'égal à égal avec le consommateur. C'est une vraie révolution pour une marque qui a toujours communiqué de manière unidirectionnelle !
Toutes ces marques qui ont une culture pub' avec l'exploitation des grands médias vont devoir écouter le consommateur, le laisser manipuler, travailler, jouer avec les items de la marque. On va vers un marketing plus personnalisé, ciblé. Même dans le B to B. Une marque quelle qu'elle soit a aujourd'hui une capacité de connaissance du consommateur phénoménale. C'est extraordinaire. Prenez une application peu connue en France comme Wikitude. C'est de la réalité augmentée + Wikipedia : l'application permet, en se baladant dans Paris, d'avoir des informations géolocalisées en rapport avec ce que vous êtes en train de filmer avec votre smartphone au tour de vous. Des tags s'affichent à l'intérieur. Et vous n'avez qu'à télécharger.
Paradoxe de l'intrusion, les consommateurs sont contre le fait que les entreprises apprennent de plus en plus de choses sur leur comportement ; par contre ils sont d'accord pour recevoir des offres personnalisées, des messages qui leur parlent à eux de manière ciblée... Ils sont d'accord sur la fin... mais pas sur les moyens !

Comment analysez le phénomène spectaculaire de Groupon ?N'est-il pas dangereux ?
Avec la crise, il y a un fort besoin de retrouver du pouvoir d'achat. D'où le succès de Groupon et de ses réductions, ses bons d'achats... C'est un excellent créateur de trafic en conquête, à court terme. Par contre c'est très dangereux à moyen long terme. En effet, ça ne créé pas de valeur. Cela risque çà risque de vous tuer si vous rentrez dans le cercle vicieux de la promotion récurrente. Groupon est un bon moyen de se faire connaître et de générer du trafic vers une offre et un point de vente. Mais ça ne doit pas devenir addictif. Sinon ça devient dangereux.
 source : Etienne Gless pour LEntreprise.com, publié le 25/07/2011

A bientôt sur Var Commerces.com ;-) Stéphanie

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